Le Pacte Dutreil est un avantage fiscal accordé dans le cadre de la transmission à titre gratuit d’entreprises, qu’il s’agisse de titres de sociétés ou d’entreprises individuelles ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (ICAAL).

Cet avantage permet de bénéficier d’un abattement de 75% sur la valeur des titres de la société ou de l’entreprise pour le calcul des droits de succession ou de donation.

Pour bénéficier de l’abattement, il faut remplir plusieurs conditions. Celles-ci sont commentées par l’administration fiscale dans les Bulletins Officiels des Finances Publiques (BOFIP).

Ces commentaires de l’administration fiscale inscrits dans le BOFIP le 06/04/2021 sur le régime Dutreil font l’objet d’une consultation publique jusqu’au 06/06/2021. Dès lors, ils ne sont que provisoires et d’autres précisions sont attendues car, outre quelques rares développements ou confirmations, des tournures de phrases ambiguës apportent des difficultés d’application.

Il convient de rester vigilant quant à ces nouveautés en espérant que des corrections nous éclairent.

1/ Statut des entreprises unipersonnelles (EURL, EARL, SASU, SELARLU…)

Les entreprises unipersonnelles (EUP) ne sont plus assimilées à des entreprises individuelles mais à des sociétés.
Il s’agit d’un changement fiscal désavantageux pour les entreprises unipersonnelles car les actifs nécessaires à leur activité mais non-inscrits au bilan ne peuvent plus bénéficier de ce régime de faveur. En effet, seules les entreprises individuelles peuvent bénéficier de l’abattement sur l’ensemble de leurs actifs, qu’ils soient inscrits ou non à l’actif du bilan.

Pour les entreprises unipersonnelles se pose alors la question de la pertinence d’inscrire un bien au bilan afin de profiter du dispositif ou de le détenir en dehors.

2/ Engagement collectif et engagement unilatéral de conservation

Dans ses commentaires, l’administration n’a pas distingué l’engagement collectif de conservation de l’engagement unilatéral de conservation.

L’engagement de conservation, qu’il soit collectif ou unilatéral, suit donc une seule et même règle et porte « sur un ensemble de titres que le ou les associés ont entendu garder collectivement ». Difficile dans le cas d’un engagement unilatéral, avec donc une seule personne signataire, de s’engager « collectivement ».

De plus, dans le cas de groupes de sociétés, il devient impossible de signe un engagement unilatéral sur une filiale détenue à 100% puisque l’administration fiscale exige que la personne physique donatrice soit associée de la filiale (donc détienne au moins un titre en direct).

Ceci écarte de fait du pacte les sociétés unipersonnelles.

Il est également précisé qu’un membre de l’engagement de conservation collectif ou unilatéral doit être dirigeant. Cependant, le donateur ne doit pas forcément être dirigeant si cette fonction est assumée par une Holding.

3/ Fonction de direction exercée après la transmission

Des modifications sont apportées quant à l’exercice des fonctions de direction après la transmission.

Ces fonctions doivent être assurées par un donataire, légataire ou héritier soumis à un engagement individuel de conservation ou par un signataire d’un engagement collectif/unilatéral encore en cours.

La durée d’exercice de ces fonctions de 3 ans à compter de la transmission reste inchangée.

Dans le cadre d’un pacte réputé acquis, seul un donataire, légataire ou héritier peut assurer une fonction de direction après la transmission.

4/ Eligibilité de l’activité

Une société ayant une activité mixte peut bénéficier du pacte Dutreil. Cependant, la société doit avoir une activité dite opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) et celle-ci doit être prépondérante. L’appréciation du caractère prépondérant de l’activité se détermine de manière différente selon la nature de la société.

S’agissant des Holdings (seulement animatrices), on retient le caractère animateur et principal de la Holding lorsque la valeur vénale des filiales animées représente plus de 50 % de l’actif total de la Holding. De ce fait, il est important d’isoler les actifs animés et vérifier si cela représente plus de 50 % de l’actif total. Ce seuil de 50 % devra être maintenu pendant toute la durée du pacte.

Dès lors, les participation non animées, l’immobilier d’entreprise ou encore la trésorerie semblent exclues du seuil de 50% de l’actif total.

FOCUS SUR LES PROBLEMATIQUES LIEES AU SEUIL DE 50% :

Il est nécessaire d’analyser la trésorerie nécessaire (celle qui est affectée à l’exploitation et adaptée aux besoins normaux de l’entreprise). En effet, tout excédent ne sera pas assimilé à de la trésorerie affectée. Il faudra dès lors être très attentif aux trésoreries excessives, à la nature des supports de placements de ces disponibilités pour apporter au mieux la preuve de l’affectation.

Cas de l’apport pur et simple (ou avec soulte) à une société : pour apprécier ce seuil de 50 %, il y a lieu de prendre en compte la valeur vénale des seules parts/actions de la société soumises à ces engagements, à l’exclusion des titres non soumis.

Dans beaucoup de situations, des contribuables détiennent déjà des titres dans une société et décident d’apporter à celle-ci les titres nouvellement transmis et soumis à ces engagements, leur but étant de rassembler les titres et d’en assurer le contrôle. Dans cette situation, le ratio de 50 % limite cette possibilité puisque l’ensemble des titres sera pris en compte pour l’appréciation du seuil. Une tolérance serait alors appréciée.

Pour une société d’exploitation, deux critères cumulatifs devront être remplis :

  • Le chiffre d’affaires procuré par l’activité éligible doit représenter au moins 50 % du chiffre d’affaires total.
  • L’ensemble de l’actif (actif circulant et immobilisé) de la société affectée à l’activité éligible doit être prépondérant : au moins 50 % de la valeur vénale actuelle de l’actif brut total.

NB : pour la détermination de l’actif circulant, la trésorerie de l’entreprise doit également être analysée. Attention à la trésorerie excessive !

D’autres précisions sont également apportées sur les activités éligibles au dispositif « Dutreil » transmission : il est confirmé que les locations meublées, professionnelles ou non, sont exclues du régime Dutreil.

5/ Niveaux d’interposition

À titre informatif, un pacte Dutreil est possible jusqu’à deux niveaux d’interposition. Les participations doivent rester inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif ou unilatéral.

A noter, il est possible d’augmenter la participation détenue par les sociétés interposées durant la période de l’engagement collectif ou unilatéral de conservation. En revanche, le Bofip reste muet sur une augmentation de participation pendant l’engagement individuel de conservation – une précision serait à apporter.

6/ Obligations déclaratives

Malgré la suppression des obligations déclaratives annuelles, la mise en œuvre d’un pacte Dutreil conserve plusieurs déclarations qui, en cas de non-respect, peuvent remettre en cause l’exonération prévue. De ce fait, il est important de tenir un planning des dates auxquelles ces formalités déclaratives sont à réaliser :

  • L’enregistrement du pacte
  • L’enregistrement de l’acte de donation / de la succession
  • Lors des opérations sur capital
  • A la fin de l’engagement individuel