Le 18 avril dernier, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a suscité la surprise en rendant un arrêt concernant l’ assurance-vie et la désignation des bénéficiaires par testament. Cet arrêt prévoit en effet l’intégration d’un contrat assurance-vie dans l’actif de la succession.

Le cas de Monsieur A

Mme B, victime d’un accident, est dédommagée par son assurance qui lui verse un capital dont elle n’a pas pu profiter car elle est décédée entre-temps.

M. A a souscrit un contrat d’assurance-vie à partir de fonds provenant de ce capital versé. Sur le certificat d’adhésion, il a été stipulé que le capital serait versé « selon des dispositions testamentaires chez Maître X et à défaut des héritiers de l’assuré ». Ainsi, M. A a désigné d’autres personnes que ses descendants en ligne directe.

Les petits-enfants de M. A demandent la requalification du contrat d’assurance-vie en legs.

La demande a été rejetée par le Tribunal de Grande Instance de Toulon, car la désignation par voie testamentaire ne démontre pas la volonté du souscripteur d’inclure le contrat dans l’actif de succession. Les petits enfants font appel de la décision auprès de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. Celle-ci affirme que le souscripteur en désignant son bénéficiaire par voie testamentaire et non sur le contrat a eu la volonté manifeste de faire rentrer le capital de l’assurance-vie dans la succession.

Ainsi, l’assurance-vie est requalifiée en legs et revient donc aux petits-enfants.

Main qui écrit sur un document

L’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 18 avril 2018

Pour la Cour d’Appel, l’intégration du contrat d’ assurance-vie dans l’actif de succession se fait dès lors que le souscripteur désigne un ou des bénéficiaires par voie testamentaire et non au sein du contrat. La rédaction de la clause des bénéficiaires dans un testament atteste de la volonté du souscripteur de créer un lien entre le capital du contrat et la succession.

Il s’agit d’une décision surprenante car un lien est établi entre la forme que revêt la désignation des bénéficiaires et l’intégration du capital dans la succession.

Oui mais …

… il y a un « hic ».

Selon l’article L. 132-13 du Code des Assurances, « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis aux règles du rapport à succession […] ».

Le Code des Assurances exclut donc les capitaux d’un contrat d’assurance-vie de la succession.

Au premier article écarté par la Cour d’Appel s’ajoute également l’article L. 132-8 qui traite de la forme de la désignation des bénéficiaires du contrat.

En effet, l’article prévoit que : « Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
[…] En l’absence de désignation d’un bénéficiaire dans la police ou à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire […].Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire. 
».

Ainsi, le souscripteur du contrat d’assurance-vie est libre de choisir le moyen de désigner son ou ses bénéficiaire(s). La seule condition est de manifester clairement sa volonté.

En conclusion

La clause bénéficiaire n’a qu’une seule utilité : désigner la ou les personnes qui ont vocation à recevoir les capitaux décès. Elle n’a aucune conséquence sur un éventuel rapport à succession de ces capitaux décès.
De plus, cette clause n’est soumise à aucune obligation de forme.
Ainsi, l’arrêt de la Cour d’Appel est surprenant au sens où il écarte les principes inscrits dans le Code des Assurances et remet en cause le principe même de l’ assurance-vie qui est celui de la « stipulation pour autrui ».
Le fait que les fonds ayant servi à la souscription du contrat soient en réalité des fonds de la succession a très certainement eu un impact sur la décision de la Cour d’Appel. Cependant, le fait de ne pas y faire référence et de mettre en avant le motif de la désignation testamentaire laisse un trouble sur l’arrêt.

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