Jusqu’à cet avis de la Cour de cassation du 1er décembre 2021, la doctrine majoritaire ne reconnaissait pas la qualité d’associé à l’usufruitier. La Cour de cassation considère que l’usufruitier de parts sociales ne peut pas se voir reconnaître la qualité d’associé. Dès lors, en cas de démembrement, seul le nu-propriétaire est considéré comme étant associé.

Pour cet avis, la Cour de cassation s’est fondée sur l’article 578 du Code civil : « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ». C’est ainsi, comme le précise l’article précité, que l’usufruitier jouit de droits sociaux dont « un autre a la propriété », caractérisant donc l’usufruit comme une charge réelle grevant la propriété.

L’usufruitier conserve toutefois certains droits attachés à sa qualité, tels que :

  • Le droit de vote pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices (C. civ. art. 1844, al. 3) ;

Rappel

L’usufruitier conserve uniquement le droit de vote en lien avec l’affectation des bénéfices. Pour toutes les autres décisions, où le droit de vote est attribué au nu-propriétaire, les statuts (ou une convention) peuvent déroger au principe selon lequel le droit de vote appartient au nu-propriétaire.
Dès lors, les statuts peuvent attribuer l’ensemble des droits de vote à l’usufruitier et ce dernier votera alors pour l’ensemble des décisions.

Attention, le nu-propriétaire ne peut pas être totalement privé de son droit de vote (Cass. com. 3e civ 29-11-2006).

  • Le droit de participer aux décisions collectives (art. 1844, al. 1) et donc, le droit d’être convoqué aux assemblées et d’y donner son avis, après avoir reçu l’ensemble des informations communiquées aux associés.

L’usufruitier peut aussi provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. Ce droit peut s’avérer être une source de difficultés car la Cour n’a pas décidé si celui-ci devait être limité aux seules décisions pour lesquelles le droit de vote est réservé à l’usufruitier.

Une première difficulté apparaît à la lecture de cet avis où il était question de savoir si un usufruitier de parts sociales d’une société civile pouvait provoquer une délibération tendant à la révocation du gérant et de son successeur. Cela pourrait être possible si la révocation exerçait une influence directe sur les bénéfices de la société mais pas forcément si la justification était appuyée sur un autre motif légal.

À titre informatif, ce droit de l’usufruitier de provoquer une délibération est fondé sur l’article 39, al. 1 et 3 du décret 78-704 du 3 juillet 1978. Ce même article permet aussi à un associé non-gérant d’une société civile de demander au gérant de consulter les associés sur une question déterminée.

De ce fait, le refus de la qualité d’associé à l’usufruitier le prive de certaines prérogatives essentielles :

  • L’usufruitier ne peut réaliser aucune action en justice liée à la qualité d’associé (exemple : action en responsabilité contre le gérant, révocation judiciaire du gérant) ;
  • L’usufruitier est aussi exclu des prérogatives réservées par les statuts aux associés :
    • il ne peut pas être nommé gérant si celui-ci doit être choisi parmi les associés ;
    • il n’est pas concerné lorsqu’une décision doit être prise à l’unanimité des associés ;
  • L’usufruitier ne peut pas effectuer d’apports en compte courant, à moins d’être dirigeant de la société ;
  • L’usufruitier n’est pas tenu des dettes sociales.

L’ensemble de ces prérogatives est réservé au nu-propriétaire, lui seul étant associé.

Par ailleurs, l’usufruitier ne devra pas être décompté comme un associé pour savoir si la société est ou non unipersonnelle, si elle respecte le nombre minimal ou encore maximal d’associés.

Sources