Un important arrêt a été rendu le 14 octobre 2020 par la Cour de cassation sur la question de l’appréciation de la condition d’activité posée par le régime Dutreil transmission, appliquée au cas particulier des holdings animatrices de groupe (Cass com., 14 octobre 2020, n°632 FS-P+B).

Rappel des faits

L’article 787 B du CGI impose, comme condition d’éligibilité d’une société au régime Dutreil, l’exercice d’une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale).

Dans sa doctrine publique (toujours en ligne), l’Administration fiscale a indiqué que, en cas d’exercice d’une activité mixte (civile et opérationnelle) par la société :

  • l’activité opérationnelle doit d’une part être prépondérante, et
  • le caractère prépondérant de l’activité opérationnelle doit d’autre part s’apprécier au regard de deux critères cumulatifs que sont (i) le chiffre d’affaires procuré par cette activité (au moins 50 % du montant du chiffre d’affaires total) et (ii) le montant de l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut).

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir sur la question de la légalité de ces commentaires, le Conseil d’Etat a confirmé le principe posé par la doctrine de l’administration, consistant à imposer une condition d’exercice principal de l’activité éligible, mais a dans le même temps censuré les critères d’appréciation posés par cette même doctrine, jugés contraires à la loi (Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 23/01/2020, 435562, Bardin).

Le Conseil d’Etat en a profité pour indiquer que la prépondérance d’activité doit, dans le silence de la loi, s’apprécier « en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ». Ce faisant, le Conseil d’Etat a laissé une certaine latitude pour apprécier le caractère principal de l’activité, ce qui est bien entendu le bienvenu tant les critères posés par la doctrine de l’administration s’avéraient inappropriés dans une multitude d’espèces.

Il restait à savoir si les juridictions de l’ordre judiciaire, avec la Cour de cassation à leur tête, allaient suivre la position ainsi prise par le Conseil d’Etat. C’est chose faite.

La Cour de cassation a en effet aujourd’hui jugé que l’article 787 B s’applique aux transmissions de titres de sociétés ayant une activité mixte qui « exercent principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s’appréciant en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ».

Se prononçant spécifiquement sur le cas des holdings animatrices de groupe, la Cour de cassation a :

  • tout d’abord considéré que le critère de prépondérance d’activité s’applique bien à ces sociétés (le TGI avait, en première instance, pris une position inverse), et a
  • ensuite précisé que « le caractère principal de l’activité d’animation de groupe [doit] être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total ».

Une décision attendue

Très attendue, cette décision ne surprend pas pour autant. La Cour de cassation joue la carte de l’harmonie en reprenant textuellement la solution de principe rendue par le Conseil d’Etat 8 mois plus tôt dans son arrêt Badin précité.

S’agissant spécifiquement des holdings animatrices, la Cour se réfère à la valeur vénale (et non comptable) des participations contrôlées pour apprécier le critère de prépondérance, ce qui est à nouveau parfaitement en ligne avec la position prise par le Conseil d’Etat sur ce sujet (cf. Conseil d’État, 3ème, 8ème, 9ème et 10ème chambres réunies, 13/06/2018, n°395495, Cofices).

La Cour de cassation prend également le soin de préciser que la référence à la valeur vénale des titres des filiales est « notamment » pertinente pour apprécier le critère de prépondérance, ce qui laisse à penser que la valeur vénale d’autres actifs nécessaires à l’animation du groupe pourrait également être prise en considération dans l’appréciation de ce critère.

Nous pensons bien évidemment aux prêts intragroupe et aux actifs immobiliers portés par les holdings et donnés en location aux filiales pour les besoins de l’exploitation de leur activité opérationnelle puisque, rappelons-le, tant l’administration fiscale que les juges (et parfois aussi le législateur pour certains régimes) définissent les holdings animatrices comme des sociétés qui ont certes pour activité (i) la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales opérationnelles, mais qui (ii) peuvent aussi rendre, au sein de leur groupe, des prestations de services spécifiques tels que des services financiers et/ou immobiliers.

Espérons que le principe de réalisme du droit fiscal conduira prochainement les juges du fond à suivre cette position de bon sens.

Article rédigé par Me Vincent Forestier – CMS Francis Lefebvre Avocats